Mise en Beauté

C’est le chef des anges rebelles, Azazel, l’ancêtre du diable, qui a transmis aux femmes de la terre l’art de la mise en beauté. Dans son message il amalgamait la fabrication des métaux et la maîtrise de la guerre à la création des parures et des fards pour embellir les paupières… Tout un programme où déjà la séduction est un combat.
Dès le IVème millénaire av. J.-C. les Égyptiennes prennent des bains parfumés, s’exfolient la peau et se font masser aux huiles odorantes. Les sourcils sont allongés et noircis, les yeux redessinés au khôl, les paupières ombrées de poussière de pierres broyées, les cils épilés et la bouche carminée. En revanche, les Grecs dédaignent tout ce qui est parure artificielle. La beauté doit être naturelle et harmonieuse, elle réside dans la perfection des formes et des proportions à l’image d’Aphrodite, la déesse qui la symbolise. A moins d’imiter Pandore, trompeuse et fatale en usant et abusant de fards et d’artifices.
Pour bien distinguer ces deux univers si différents on dissocie «l’art de la toilette» (kosmêtikê technê) de «l’art du fard» (kommôtikê technê). Le premier concerne la gymnastique, le massage, le soin en profondeur des cheveux et de la peau et le deuxième l’éphémère et le simulacre. Le maquillage est relégué aux courtisanes tandis que l’épouse ni ne se farde ni ne s’alanguit ! Le ton a donc été donné depuis le début des temps et la bataille entre beauté naturelle et artifices de la beauté ne risque pas de s’achever un jour. Teint de lys, peau bronzée, couleurs irrisées, tendres pastels, cheveux permanentés ou défrisés… les modes se démodent pour mieux s’alterner. On ose les couleurs acides et fluo pour mieux les rejeter, et l’excentrique côtoie le retour au naturel.
Les deux extrémités ne se confondent que dans une même recherche de confort des matières, de finesse des textures et de facilité d’application. Aujourd’hui, la mise en beauté devient de plus en plus une science de la beauté et les artistes qui créent les envies et les courants sont épaulés par des scientifiques qui multiplient les expériences pour rechercher la molécule la plus performante et le soin le plus actif. Maquillages et parfums s’attachent aussi à soigner la peau. Alors que de leur côté, crèmes et laits cherchent à flatter les sens pour mieux réveiller le plaisir. Comme si le deuxième millénaire avait trouvé une alliance entre l’éphémère et le durable pour mieux ralentir le temps.